Book de KaliCréations : Joshua Alexander Starr :: Le valet de Cœur : A corps et à cri (part2)

A corps et à cri (part2)

 

Je suis plongé dans une pile incommensurable d'inventaires et de compte-rendus. J'ai mal aux yeux. Je baille et je me frotte les paupières comme si je venais de passer un millénaire penché sur ses feuillets. J'ai perdu la notion du temps absorbé par mes dossiers en souffrance. Ce n’est pas plus mal, ça m'a évité de penser à la mauvaise nouvelles que m'a apporté Travis, à Killian, à Ariane... Et à cette impression étrange qui me tarabuste depuis ce matin. Ma main droite tremble un peu et je meurs de chaud... Est-ce la fatigue ou le manque ? Et ce mal de crâne qui ne passe pas... Je suis complètement débordé et j'ai du retard sur la lecture des lettres de Jocker qui me tiennent au courant du déroulement de mes affaires en mon absence sur Noubangkok. Je viens de finir de ratifier le dernier ordre de comptabilité et je m’attelle à ces foutus rapports provenant du gang. Il faut vraiment que j'embauche... On pourra enfin s'en sortir et ne plus crouler sous les retards. A première vue les choses se déroules plutôt bien. Il semblerait que les Jacks of Heart aient eu un incident avec un trafiquant pas du coin, mais rien d'irrémédiable. Je verrai ça plus tard. Je cherche en priorité des nouvelles de Catherine et de Mittra. Elles me manquent, et je leur manque aussi. Je ne leur ai toujours pas annoncé que j'ai retrouvé Killian et qu'elle est vivante, je ne sais pas comment faire. Alors j'attends qu'une occasion se présente d’apponter à Noubangkok et de leur en faire la surprise à toutes les trois. Jocker se plaint d'un nouveau gars qui a débarqué récemment avec un marché de chair... Apparemment il y a un type qui tourne de drôles de films dans les caves. Il n'est pas du cartel mais ça reste à surveiller. Les premières à y passer dans ce genre de cas glauques se sont nos filles. Il fait bien de garder l’œil ouvert et son calibre à portée de main. Il me demande comment gérer ça. Il faut que j'y réfléchisse. Hors de question qu'on fasse des trucs pareils sur mes docks. Il est évident que... Je suis interrompu dans ma lecture et mes réflexions par les coups donnés contre la porte, de l'autre côté du vestibule. Je lance un « oui » sonore et interrogatif sans lever le nez de mes feuilles empilées. J'entends des pas traverser le vestibule et s’arrêter à l'entrée du bureau. Je n’ai pas vraiment identifié, je suis plongé dans une série de documents intéressants concernant le fameux courtier dont me parle Jocker dans son courrier. « Je peux te voir Josh ? ». Killian ! Je lève la tête immédiatement quittant mon dossier pour tueur à gage. Elle se tient contre le long du chambranle de lambris dorés aux motifs alourdis. Son regard est noyé d'angoisse et je vois ses doigts métalliques se crisper légèrement sur le bois. Je la fixe en silence d'un air inquiet. Je connais ce visage défait et ça me retourne l'âme. J’attends le drame. Je la prie du regard de me dire sans plus attendre ce qui la terrasse. « Tu as un peu de temps ? » fait-elle d'une voix si minuscule que j'ai peine à l'entendre. J'empile rapidement, fébrile, les documents que je consultais et je les glisse dans le premier tiroir à ma droite. Je veux avoir les mains et l'esprit libre de ces préoccupations pour ne me consacrer qu'à elle. Je suppose qu’elle vient me voir au sujet de son bras et je réfléchie déjà à ce que je vais lui dire pour la rassurer, dosant un savant mensonge pour chasser l'angoisse de son regard de saphir. « Toujours. » dis-je. Oui j'ai toujours du temps pour elle. Je termine de mettre de l'ordre à mes affaires et j'inspire profondément en me calant dans mon siège. Je suis prêt à la recevoir, à la rattraper, à prendre sur moi tout ce qu'il sera nécessaire pour que son esprit soit en paix. Elle reste pendue à ma porte sans bouger et me fixe d'un drôle d'air. Je l'invite à entrer et à s’asseoir d'un geste large de la main droite. Tout son corps est agité par la crainte. De quoi a t-elle si peur ? Je regarde ce fichu bras... Mon visage se ferme et se peint d'un sérieux mortuaire à la pensée de ce que m'a dit Travis. Elle traverse lentement l'espace qui nous sépare, comme si le sol allait s'effondrer sous le poids qu'elle porte. J'ai l'impression que le lustre de cristal démesuré au dessus de nous vacille. J'ai le vertige. Elle fuit mes yeux, fixée sur un point ailleurs... Elle se mordille les lèvres sans rien dire. Enfin elle s'assoie en face de moi, toujours pleine de mystère et de détresse. Ses yeux plongent vers le sol comme si elle cherchait un lieu obscur où se dissimuler. Je regarde son bras droit, elle a la chair de poule. Je n'arrive pas dans ce silence pesant à deviner les affres où elle s'embrume. Le malaise entre nous augmente, ça me rend nerveux. Je prie l'Empereur que l'horreur de ce qu'elle va m'annoncer trouvera une solution... J'ai peur Kill. Parle-moi ! J'inspire. Je continue de la fixer, je ne la lâche pas des yeux, je l'ancre. J'expire. Elle est loin... Je ne tiens plus, je me lance vers elle. « Qu'est-ce qu'il se passe Kill ? » Ma voix tremble imperceptiblement mais je m'astreins à conserver toute ma solidité pour la femme qui est face à moi. J'ai toujours été là pour elle, j'ai juré de toujours être là et je serai toujours là. Le seul échos qui répond à mon inquiétude est celui d'un mutisme désarmé. Je cherche à déceler un indice dans chacun des frissons parcourant son corps. De la puissance de sa respiration au mouvement de ses cils, je suis en quête d'un repère, d'un symptôme, d'un signal... Elle lève un regard pénétrant comme l'acier vers moi et finit par briser cette abominable distance entre nous imposée par son silence. « Je suis embêtée... ». Je fronce les sourcils en réponse, contrit. J'attends la suite, je me concentre, je suis tendu, j'anticipe. « C'est dur... » tente t-elle sans que je comprenne de quoi elle parle. Son regard se perd de nouveau sur le bois de mon bureau et les bibelots qui courent dessus. Je vois qu'il lui est difficile de me parler mais son langage corporel est tellement plein de parasites que les signes s'embrouillent. Le reste silencieux, je lui montre que je suis présent, entièrement à l'écoute de ce qu'elle aura à me dire, peut importe la manière dont elle le dira. Je vais lui répondre que Travis va s'occuper de cette histoire de bras, qu'elle ne doit pas s'en faire et que je suis là pour la soutenir. Qu'elle n'a rien à craindre ici, qu'elle est en sécurité avec moi. Troisième essai : « Je... » J'incline la tête comme pour l'encourager, les yeux harponnés à ses lèvres. Je suis prêt à agir sur ordre. Je m'appuie sur le bord du plateau comme si être plus près d'elle pouvait l'aider. Je ne quitte pas l'azur de son regard humide. Ma vue descend le long de son cou, glisse sur ses clavicules et plonge vers sa poitrine. Je cherche à m'assurer de l'intensité de sa respiration. Quelle épreuve si terrible traverse t-elle pour qu'elle ne puisse même pas me parler ? Je l'ai vue défaite, je l'ai vu terrifiée, affamée et dans tellement d'autres états que la morale condamne qu'il me serait difficile de m'offusquer. Quelle-est cette ombre invisible qui la terrasse ? Je vois sa bouche s'entrouvrir, sa langue humidifie ses lèvres, elle inspire :« Je souffre Josh ! »Je sens un arc électrique me foudroyer. Je perçois que mes muscles un à un se bandent. Mes poings se serrent, ma mâchoire se crispe et je sens mes tempes se tendre alors que je la vois trembler. Sa douleur m'est insupportable. Je me projette en avant et saisi sa main. Je suis fébrile, angoissé, je ne tiens plus. Il faut qu'elle m'explique car je ne comprends rien à ce ton énigmatique ! Je ne peux rien faire contre un ennemi que je ne vois pas ! Elle fuit de nouveau mon regard après cette bombe qu'elle vient de lâcher. Je tente une dernière fois de percer le voile de ses yeux, mes dents scellées ensemble. Je me décide à déchirer enfin ce silence qui m'est cruel :« Quoi ? Killian dis-moi ce qu'il y a ! » Je referme une douce pression sur ses doigts lui assurant ma présence entière auprès d'elle. Mon corps complet est le témoin de l'insoutenable alarme qui m'habite. Je meurs de chaud, je transpire et j'ai les mains moites. Ma voix est glacée et directive. Elle retire sa main de ma prise comme si mon simple contact brûlait le métal de ses doigts. Pourquoi ce rejet ? Son regard bascule encore au delà de moi avant qu'elle ne décide enfin à m'accorder une chance de l'aider : « Elle est chez toi. » Je ne comprends pas. Si ce n'est de son bras, de quoi s'agit-il alors ? De qui, de quoi me parle t-elle ? Je suis de plus en plus agité et l'oppression du vide qui gravite autour d'elle me noie. Je tente de faire le tri mais je n'en tire rien. J'insiste du regard pour qu'elle poursuive. Elle s'exécute : « Zyx... » Tout s'éclaire même si je ne sais pas pourquoi ni comment Killian est incommodée par la présence de Zyx ! Bien que ça ne soit pas d'une limpidité évidente je me détends ! Pas de bras xéno-archeotech-auto-réparant, pas de fantôme qui mange l'esprit, pas de mort-vivant, pas de contamination de Chien de Khorne, juste une lubie de femme ! Je respire. Pour ça j'ai sûrement une solution ! C'est fou cette façon qu'elle a de me présenter les choses de la pire manière. J'ai cru mourir d'angoisse de la savoir si effrayée ! Je me détends et retombe un peu dans mon siège alors qu'elle se renfrogne encore un peu plus. Je souffle mais je ne suis pas soulagé pour autant. Je reste à l'écoute, elle n'a pas fini de vider son sac et moi je peux tout entendre de sa bouche. Le cœur au bord des yeux ma Princesse poursuit :« Et ce qui est chez toi est à toi. » Elle s'étrangle presque et j'ai du mal à saisir le fond de sa logique. Je comprends seulement qu'elle est jalouse. Mes traits changent. Ils marquent maintenant la considération et mon implication dans cet échange plutôt que l'angoisse et l'inquiétude. Un soupçon de perplexité aussi... « Si une chose est à toi, tu es un peu à cette chose... Non ? » Je vois ce qu'elle entends par là, je pense qu'elle s'imagine que je cherche à l'oublier dans les bras de Zyx. C'est une erreur. Et pourquoi chercher mon assentiment ?Je rattrape sa main qui avait fuit et je la serre plus fort. Je me sens plus calme, je peux être maître de la situation : à ce problème ci j'ai une solution. Je la sens au bord d'un gouffre abyssal qui à mes yeux n’est pas si profond. Elle s'agrippe à ce pont que je créée entre nous pour l’amarrer à moi avant qu'elle ne dérive à nouveau. Elle annonce une nouvelle close qui ressemble à un ultimatum mais qui n'en est pas un :« Je ne veux pas que tu sois à quelqu'un d'autre. » A cet instant la pièce autour de moi bascule et je chavire. Ai-je bien saisi ?Elle plonge ses yeux dans les miens et me retire une fois encore son contact. « Je veux être à toi encore... » Son regard s’enfouit dans une chape honteuse dont je ne perçois pas l'origine. Je la sens puiser en elle ses dernières forces pour un aveux ultime. Je respecte muet son recueillement le temps qu'elle clôture en perforant mon cœur du regard :« Je ne veux pas qu'une autre soit à toi. » J'ai l'impression de saigner. Une seule envie m'obsède alors, être au plus près d'elle pour lui prouver combien elle compte et combien elle fait erreur sur mes intentions. Je tiens à lui offrir une preuve plutôt qu'une réponse. Il ne m'est pas utile pour cela de parler. Le corps sait... Je me lève de mon siège poussé par l'aimant qu'elle est pour moi. J'ai besoin de la prendre dans mes bras, de la serrer contre moi pour qu'elle comprenne enfin que je ne pars jamais loin d'elle et surtout, que je reviens toujours vers elle. Je m'approche à pas félins de l’objet de toutes mes pensées. Son inquiétude est palpable alors que je suis à quelques centimètres d'elle. J'ai envie d'elle. J'ai toujours envie d'elle. Elle conserve ses grands yeux bleus rivés à la planche du bureau. L’acajou y renvoi une lumière chaude et violente. Je la sais brûlante à l’intérieur alors que je la touche presque... Elle relève la tête et me trouve à son côté, fébrile. « Je suis toujours à toi, pas vrai, Josh ? » Sont les mots qui s'expulsent de ses lèvre de velours rose à l'issu de cette conversation. Éternelle Killian qui me ramène toujours à ses pieds de déesse... Je ne me détache pas du rose de sa bouche dont je connais le goût par cœur. Je salive. Je sens cet incendie montrer en moi qui me pousse vers elle inexorablement ! Sa respiration rapide m'indique son trouble et la manière dont elle resserre les genoux, fiévreuse, précipite le mien. Mon souvenir peut sentir les imperceptibles vibrations de son bassin. Son odeur change et devient plus humide. Je tremble et j'ai du mal à respirer. Le fauve en moi monte depuis le fond de mes entrailles pour traquer cette louve. Je me sens comme un adolescent aux portes de sa première fois. Une étrange sensation disparue dans l’agonie du temps. Je pose doucement ma main sur son épaule pour lui apporter mon réconfort sincère et amoureux. A ce simple contact je ne peux m’empêcher de caresser sa peau que j'aime tant. Elle est fraîche comme une fleur juste éclose et si ancienne qu'elle s'enfonce dans la mémoire du temps. Aucun recoin de mon âme ou de mon corps n'est dissimulé à cette femme. Je me penche sur elle comme aimanté, contraint par un cri irrésistible et originel. Je ne suis qu'une poussière d’étoile attiré par sa gravité. Simple victime de la physique élémentaire... Je vois la moiteur de son regard et l'animal en moi sent son excitation poindre au travers de sa carapace. L'odeur de son appel intime s'envole, délicate. Mes doigts agissent seuls, par instinct, par désir, par besoin... Ils glissent, muent par la fièvre, le long de sa clavicule pour traverser sa gorge dans une douce égratignure, puis ils remontent le long de sa mâchoire avant de plonger au creux de son cœur dans une caresse incandescente. Ma prise est ferme. Les lèvres de Killian s'entrouvrent et je ne résiste pas au désir de retrouver le goût de sa nuque. Je laisse mon souffle embuer son âme alors que je vois mon sang bouillir et converger. Elle frémit. Ma bouche tiède entre en contact avec la fine peau dissimulée par son oreille à la base de sa mâchoire. Killian tremble. J'aime ça. Nos respirations sont fortes, profondes et accordées. Je sens sa poitrine voluptueuse contre mon torse et la chaleur de son cœur qui bat contre le mien comme s'il allait exploser. Mes lèvres s'attardent sur les siennes comme pour redécouvrir une tentation lointaine. J'aime prendre mon temps... Tout mon corps vibre et résonne avec le sien. Je la saisie, presque brutal. Elle m'embrasse avec autant de puissance et de rage que si ce baisser était à la fois le premier et le dernier de toute son existence. Je m’arque-boute des pieds à la tête. Elle m’érige par ses effluves, elle me pilote de ses doigts experts. Mon désir braqué sur elle, je presse son anatomie contre moi. Je ne retiens plus l'appel primal de sa peau, de son contact, de sa salive mêlée à la mienne... Kill porte sur le bas de mon ventre une caresse tendue. Elle me fais basculer dans une démence animale. Je la capture ne lui laissant plus d'autre choix que de plonger avec moi dans la moiteur de notre désir. Ses mains se glissent sous mes vêtements et détachent les derrières amarres que j'ai avec la réalité. Ma peau me brûle. Je caresse tout son être, moi même calciné par le contact de cette chair qui me damne. Ses muscles abdominaux se contractent sur le chemin qu’empruntent mes doigts vers d'autres profondeurs. Sa respiration s'entrecoupe sous mes intrusions répétées, régulières, lascives... Elle se coule dans son plaisir bercée par ma respiration alors qu'elle m'use d'une main chaude et habile. Je gémis sous cette vague d'assauts pendant qu'elle m'emprisonne dans ces vas-et-viens. Ma bouche ne lâche la sienne qu'une seconde mais la douleur brûlante qui en résulte me rappelle aussitôt à mon ancre. D'un geste brutal, je ballais tout ce qui se trouve sur le plateau. Je la veux. Je la veux maintenant, entière, je veux me glisser dans sa peau. Je veux dévorer son corps en échange de mon âme. Je veux qu'elle me marque. Je veux qu'elle me piège. Je veux sentir ses jambes enserrer ma taille. J'ai besoin de ses griffes acérées dans mon dos. Fougueux, exalté, je la soulève et la dépose offerte sur le plateau du bureau. J'ai besoin d'être en elle pour qu'elle voit mon âme ! Je veux la sentir près de moi, avec moi, tout autour de moi ! J'ai mal dans tous les muscles à la simple idée d'être hors de sa geôle. Je tremble, je souffle, je souffre... Elle retire les couches de tissus qui m'étouffent et m'isolent d'elle, libératrice ! D'un geste elle réduit à néant le lien qui nous maintenait encore à distance, le dernier. Ardent, je la bascule doucement en arrière, le visage enfoncé dans sa poitrine gourmande. Elle me rend fou et affamé. Pressé, endolori, embrasé je m'attaque aux carcans qui la retiennent prisonnière loin de moi ! Je sens au creux de mes reins la brûlure que m'inflige sa proximité. J'enfonce mes doigts dans sa chair d'excitation. Je suis commandé par les hurlements silencieux de nos yeux et de nos corps déjà trempés de sueur avant même d'avoir été consumés...Elle déclenche au bas de mes reins un brasier insatiable. La pression de ses doigts de chaque côté de mon bassin m'éperonne. Dans un frisson bestial qui nous ébranle simultanément j'extermine le vide qui nous séparait encore.

 

Je contemple mon bureau dévasté. Seuls les objets les plus imposants et les plus lourds sont restés debout. Sièges et guéridons ont été mis à terre. Les tapis forment les collines d'un violent territoire d'opération. Une tenture a même été abattue et agonise sur le parquet. Kill n'a pas fuit, elle n'a pas battu en retraite, et elle rentre diriger les troupes d'occupation de mes frontières...Après le shoot d’endorphine, la barre de douleur me revient derrière le crâne comme un coup de batte ! La pièce me semble plus lumineuse bien qu'elle ait l'air d'avoir traversé plusieurs guerres. Mon amazone m'a abandonné sur le champ de bataille, rougi par la fureur des combats. J'ai mal dans chaque muscle et même dans certains dont j'ignorais jusqu'à présent l'existence. Comme toujours elle a eu son affrontement. Comme toujours j'ai eu mon traité de paix. Mais aujourd'hui il y a quelque chose de différent dans notre signature Je cherche ma chemise dans les décombres. Ce drapeau blanc gît échoué entre les ruines que forment un tas de livres jetés à terre. J'enjambe un charnier de bibelots et exhume mon vêtement. Il faudra tout ranger... Mais une mission urgente doit être exécutée. J'enfile ma chemise dans une respiration lente et encombré. Je suis encore un peu essoufflé. Je transpire. J'ai promis sans dire un mot que j'allais faire le nécessaire pour apaiser le cœur de Killian. Se sera fait. Je suis gêné de devoir changer le rituel qui me plaisait temps depuis une semaine : me réveiller près de Zyx qui chamboule tout le reste. Cela me contrarie. Mais si je dois sacrifier mon confort pour le bonheur de Killian alors je m'exécute. Dommage Bombita, j'aimais ça. J'ai un pincement au cœur, ça me rappelle que Zyx s'en fout, qu'elle ne m'aime pas. J'ai mal. Elle m'aime bien, elle tient à moi -un peu- mais être « amoureux de l'amour » comme elle le dit, ne suffit pas à remplir le vide abyssal qui me hante sans cesse... Suis-je définitivement incapable de toute constance et obsessionnel à ce point ? Killian est le centre de mon univers c’est incontestable mais cela ne me suffit pas non plus. Voici ce que je suis devenu : un trou noir insatiable. J'englobe du regard l'holocauste, irrité par le désordre. Je dois voir Zyx d'abord, ça ne peut pas attendre. Je sens l'obsession me gagner. C'est comme une brûlure qui s’immisce dans mes nerfs. Je vois les objets me fixer. J’entends leurs rires aigus et indisciplinés résonner dans mon crâne. J'ai la tête qui tourne. Rien n’est plus à sa place ! Voici la rage sourde que je vois poindre face à cette déclaration de guerre du chaos qui me harcèle. Je reste planté là, mes poings se serrent alors que je regarde la boite moirée dériver sur un océan d'autres objets tombés au combat. Non, je dois parler à Zyx avant que je ne change d'avis et que les choses ne soient plus compliquées encore. J'avale la distance qui me sépare du vestibules à grands pas. Je jette encore un regard à ce lieu dévasté. Je sens le monticule tirer ses flèches ardentes dans mon dos, sifflant ma retraite. La masse informe continue de grossir alors que je tente désespérément de m'arracher à cette pièce baignée de confusion. J'inspire profondément. Je passe la porte. Je sais que le chantier se gausse en mon absence. Zyx donc... Je souffle pour me calmer. J'angoisse de savoir la pièce dans mon dos en proie au désordre. Je remonte vers mes quartiers avec gravé en tête l'image de cette tâche de confiture que j'ai laissé en liberté ce matin. Je dois changer ces draps ! Je passe une mains dans mes cheveux et je dégage cette fichue mèche qui m'agace. Je n'arrive pas à me détacher de l'appel de ce golem qui hante mon bureau. J'en viens même à oublier ce que je suis venu faire du côté des quartiers des officiers. Oui, Zyx ! Je souffle. Je me sens tendu, énervé, oppressé... Je croise ma bombe dans le couloir justement. Je m’arrête à quelques pas d'elle pour la regarder marcher. Elle est jolie avec son air revêche et la manière dont elle fait exprès de traîner les pieds. Ses mains dans les poches et ses bretelles attachées à son pantalon trop large pour tout vêtement, elle me lance ce sourire provocateur. Elle se rapproche trop vite, je n'ai pas eu le temps de fixer ce moment. En m’arrêtant à mi distance j'espérais pouvoir la contempler un moment, arrêter le temps. Mais elle est déjà sur moi. Je me demande quel désordre elle a pu laisser dans ma suite. J'imagine d'ici les vêtements au sol, le lit défait, le plateau du petit déjeuné abandonné dans les draps, sa tasse sale trônant sur ma table de nuit, des traces de doigts sur les boutons de portes... « Hey ! P'tit Loup ! » Elle me fait quitter le tableau d'apocalypse mentale qu'est la vision de mon bureau et de ma chambre en désordre. N'ai-je donc nul part où rentrer à présent ? Je la scrute. Il faut que j'exécute l'ordre d'évacuation commandé par Killian, maintenant. Ce que je crains, c'est la réponse de Zyx. Je sais très bien à quoi m'attendre et je ne supporte pas l'idée qu'elle n'en ait rien à faire. Elle sourit fière d'avoir mis mon monde à l'envers. Je pose ma main sur son épaule fraîche et viens caresser son jolie menton. J'engage l'escarmouche avec ma fille aux flingues : « Trésor, je dois te parler ». J'essaie d'être délicat pour ne pas prendre un revers trop brutal. Je m'épargne. Je me laisse une retraite. Le couloir me parait terriblement sombre. A y repenser je préfère ça finalement. La lumière de mon bureau était trop vive. Je demanderai à ce qu'on la règle quand j'aurais remis les choses à leur place. Je regarde ma petite bombe et je me dis que le reste de mes amours n'aura pas la même saveur durant la semaine qu'il nous reste avant d'arriver sur Arizona VII... Déjà je sens le poinçon dans mon cœur. Elle abat mes efforts d'une balle en plein tête. « Alors ça y est ? Je déménage ? OK ! » Elle n'a même pas attendu pas ma réponse. Je retire la main qui caressait sa joue et la passe nerveusement dans mes cheveux. Je toussote. La douleur est intense. La balle a traversé mon cœur et vient de le faire éclater comme un fruit trop mûre. Elle s'en fout. Je souris. Cruelle, tu fais feu sur mon âme sans même le savoir. Je ne veux pas qu'elle le saches. D'ailleurs ça ne changerait rien. L'accord entre nous deux n'a pas bougé. J'inspire profondément et fais passer le mal qui me crève pour de la gène. Je mens bien. « Je suis désolé, vraiment. » Je passe mon bras autour de sa taille pour être plus près de sa chaleur qui fuit déjà. Je prends un air amusé, un peu cabochard et j'ajoute pour me justifier : « Tu sais comment sont les spaciens... Ça jase. » Je regarde ses yeux qui me prêtent une attention mesurée. Elle cherche la vrai raison de mon revirement. Je ne le lui dirai pas. Derrière mon masque d'assurance, je tombe en poussière. Ma façade, elle, est parfaite. Je retourne à l'ombre tant sa brûlure m'est insupportable. Je perds mes repères, encore. Décidément plus rien n'est à sa place ! « Je commence à avoir des soucis sur ma passerelle. Des jalousies, tu sais ce que c'est... » Zyx me regarde et hausse des épaules comme si je lui avais annoncé la météo. C'est douloureux. J'aurais voulu qu'elle soit déçue et qu'elle me retienne un peu. Je l'embrasse sur le haut de sa pommette colorée avec tendresse. J'essaie de me libérer d'elle comme d'une autre drogue dont je n'arrive pas à me séparer. Je tente un dynamique et pressé : « Je file Trésor. A plus tard. » Elle me sourit et le temps d'un clignement de paupières elle a déjà disparu. Les choses sont-elles en ordre à présent ? Non, il me reste à ranger ce fichu bureau... Je suis planté au milieu du couloir. J'ai la tête qui tourne. Je me frotte les yeux avec les deux mains je ramasse mes cheveux vers l'arrière de mon crâne et je me tiens la nuque. J'ai l'impression de mettre fait passé dessus par un leman russ et que mon corps entier est endolori. J'ai froid. Je percute que j'ai attrapé Zyx devant chez Ariane. Je me ronge le pouce de la main droite. J'ai la nausée. Une irrépressible envie me pousse vers l'embrasure close. Je pose ma main gauche sur le métal comme si je pouvais sentir l'objet de ma convoitise de l'autre côté par ce geste désuet, retrouver le souvenir de sa peau. C'est froid et inerte. Aucun réconfort ne m'est accordé. Je respire fort et j'ai pourtant l'impression d'étouffer. Plus Ariane me fuit, plus je la veux. La balle chargée d'indifférence que Zyx m'a tirée en plein cœur me fait déverser mon sang partout dans ce corridor ! Pourtant je m'y étais préparé, je le savais ; j'imagine qu'en théorie ça ne devait pas être douloureux à ce point. J'en reviens à ce triste constat : Mes draps sont foutus, mon bureau est toujours sans dessus dessous, Killian ne suffit pas, Ariane me déteste, Zyx n'en a rien à foutre et Manie.... Ah ! Manie ! J'inspire profondément et je fais demi-tour. Je ne frapperai pas à cette porte. Inutile de m'en rajouter, et sans compter le vent étrange qui souffle sur la passerelle entre Ariane et ses groupies. Le merdier dans mon bureau m’obsède de plus en plus. J'en prends la direction. Et ce n’est pas une image pour illustrer le merdier qui est dans ma vie personnelle. Je cherche à chasser le feu dans mes veines et j'évite les luminaires qui brûlent ma rétine. Je me frotte les yeux, j'ai la désagréable sensation d'y voir flou. Je passerai ma soirée au sensorium, j'ai besoin de me vider la tête. Il y a bien deux ou trois gars musicos dans ce vaisseaux ! J'ai besoin de faire le point et rien de meilleur pour ça que la musique. Je prendrai ma basse et puis ça me permettra de pas rouiller et de rejouer avec quelqu'un. Ça devrait me faire du bien d'écrire un peu au passage... J'ai besoin que mon univers tourne rond et sera chose faite quand cette foutue pièce aura retrouver son ordre habituel et que mon lit sera fait de frai ! J'ai besoin de chaleur. J'ai la migraine et je sais d'où vient cet appel. J'enrage et file un grand coup de poing dans le mur en serrant les dents de contrariété... J'ai besoin d'Opale.