Book de KaliCréations : Joshua Alexander Starr :: Le valet de Cœur : A corps et à cri (Part3)

A corps et a cri (part3)

 

Je viens de quitter l'étage à l'instant et je sens déjà l'odeur d'un joli merdier poindre à l'horizon sous ce soleil trop orange. Bon sang il fait vraiment une chaleur à fondre dans ce bled ! Texas : capitale du monde civilisé sur Arizona VII. Du sable rouge, de la caillasse, des cactus, et des types plus louches que louches avec des dents pourries qui chiquent de drôle de trucs toute la journée, il y a tout ce qu'il faut pour tourner un mauvais holo. L'air est trop brûlant et trop poussiéreux, ça irrite la gorge Je n'oublie pas bien entendu la guest-star locale : la fameuse touffe d'amarante blanche qui roule au vent... Ce coin est un cliché qui gravite dans l'espace. Ma Bombita a rencontré son contact dans ce bouge de merde où les type boivent un tord-boyaux tellement dégueulasse que je ne m'en servirais pas pour nettoyer mon arme. Je ne couperais même pas le prometeum de Betty avec ce machin. Je jure que je ne me plaindrai plus du climat de Jotunheim après Arizona VII ! Il doit faire au moins trente-cinq degrés à l'ombre et de l'ombre, il n'y en a nulle part ! Autant dire que le port du chapeau n'est plus de l'ordre de la fantaisie. Je quitte la table de poker en dernier. Bien entendu j'ai remporté la plupart des mises rapidement, ce qui m'a valu de me frotter virtuellement aux notables du coins. Les tables de jeux sont toujours significatives et on peut rapidement jauger un gars à sa manière de jouer. Bien sûr on m'a pris pour un blanc-bec au départ -comme souvent- mais ils ont très vite déchanté. Bien entendu on est loin du standing, de la subtilité et des sommes engagées dans ma partie de l'autre jour avec l'armateur Lord Fourd de Port l'Errance. Ici c’est de la pisse de rats. Je dois dire que j'avais envie de me faire une idée des trafiquants du coin. La classique pour les bleds paumés de ce genre : éleveur de bétail, juge, avocat, le maire... La pègre locale en somme. Le bar est miteux, je n'ai pas relevé le nom. C’est assez petit, plutôt sale et mal famé. C’est le genre d'endroit où on ne pose pas ses mains sur le comptoir sans y rester collé. Je ne m'attarde pas sur l'odeur... Les types ont tous des trognes incroyables avec leur bec de lièvre et leur dents déchaussées. Mieux vaut ne pas leur parler de trop près, leur haleine ferait fondre n'importe quoi. Le clou de ce cirque de monstre c'est bien entendu le proprio : un infecte chauve qui déborde de son vêtement. Son tablier est si gras qu'on a du mal à savoir lequel des deux est le plus sale. Quoi qu'à y bien regarder on peu différencier sa peau crasseuse du vêtement crasseux aux traces noires de transpiration séchée où s'est collée la poussière qui retombe des murs... Ses petits doigts boudinés tripotent un torchon dégueulasse... Il n’arrête pas de cracher et parfois un peu de glaire reste collé à son menton. Ce tas est une caricature ! Même les mouches n'en veulent pas. Ce trou sent le foutre, la pisse et l'alcool frelaté, ça me colle le bourdon. Bon sang, j'ai l'impression de dégouliner de sueur. Ma seule envie du moment c’est de prendre une douche -froide-. Je termine de descendre l'escalier de bois fermant la marche derrière mes partenaires de jeu dont je viens de cordialement faire les poches. Travis est toujours là, il veille. Je souris, mon frère couvre mes arrières, comme toujours et sans jamais faillir. Je me retourne agacé vers le tenancier crado qui essuie -probablement- toujours le même verre sale et gras avec son infecte torchon qui répète sans relâche « Mes filles sont bonnes et elles sont propres ! » de son air inertiel et porcin. Je lui explique pour la quatrième fois, légèrement irrité, que je ne suis pas consommateur. Les pauvres doivent se faire tabasser régulièrement pour quelques malheureux trônes. Hors de question qu'une nénette se fasse refaire la gueule parce que je l'aurais renvoyée de ma piaule. Et même si je la paillais elle n'en profiterait jamais de son fric. Merci mec, mais c’est sans moi... On ne pionce pas là ce soir. D'ailleurs Killian et Manie viennent de revenir. Elles sont parties dans les quartiers notables de Texas pour nous trouver un hôtel digne de ce nom. Le genre où ne se fait pas égorger dans la nuit pour trente trônes, où ne se tape pas des putes sous-alimentées pleines de puces et de maladies vénériennes et où mon p'tit Cœur ne risquera pas de se faire violer par goût de « l'exotisme »... Ça me mets de travers cette ambiance de pouilleux. Je toise la scène depuis la marche où je me suis arrêté et je sens cette alarme à l'arrière de mon crâne. Chez moi c’est comme une sorte de présage, une alerte anti-poisse qui me titille quand ça ne va pas tarder à sentir le souffre. J'englobe le bouge d'un regard : La bande de cafards mange-merde reste tranquille mais les tables de jeu sont presque désertes. Ça a l'air de rouler pour Zyx, l'échange s'est fait tranquillement, la transaction se déroule normalement ; Trav' est calme et vigilent, Killian s'assure de notre sécurité et de ne pas avoir à sortir Capucine ; quant à Manie elle me paraît anormalement nerveuse. Elle s'assoie à côté de Travis comme si elle était aux prises avec une angoisse oppressante. Je descends de ma marche. Pas vraiment étonnant qu'elle soit dans cet état vu l'incident qui nous cloue au sol sur ce cailloux surchauffé. On se croirait sur une plaque de cuisson, c’est infernal ! Je passe mon mouchoir sur ma figure et je le replis soigneusement dans ma poche. Tous nos collecteurs de filtre à oxygène ont claqués, on a du évacuer tout le personnel de bord à terre. On est tous coincés là pour trois semaines, au minimum. Du coup Otto a versé les soldes. C'est les commerces de jeux et les tripots du coin qui vont être contents : cinq-mile âmes qui débarquent... Tout ça à cause d'une perturbation Warp isolante qui a rendu nos astropathes et nos navigateurs complètement aveugles. Je ne le sens pas ce coup là. Je vais demander à Flint de veiller à ce que les nôtres ne se dispersent pas trop. Je passe une main dans mes cheveux, j'ai l'impression d'être liquide. Je m’essuie d'un geste rapide le menton et sous le nez pour éviter de trop luire. Je ne sais pas ce qu'il se trame dans le coin mais il va falloir garder les yeux bien ouverts. Je pense à Ariane et à Crystale et je me rassure en me disant qu'elles sont en sécurité avec Sam' Flint. Il y a une drôle de danse qui se met en place. L'air devient électrique et les pecnots le sentent aussi. Je ricane intérieurement : ça a de l'instinct ces bêtes là... Ils nous évaluent, les mains promptes à la gâchette. Otto rentre avec sa tête de « je suis au bord de la crise de nerfs » en baladant les portes battantes. Je perçois le frémissement de Killian, elle le harponne. Il tourne les talons aussitôt et bat en retraite vers le soleil de plomb de l'autre côté de l'entrée. Je fronce les sourcils. Tiens, ça y est, c'est le bordel... J'achève ma descente les doigts couverts du sébum oublié sur la rampe par mes congénères ! Mes éperons tout neufs tintent sur le plancher. En ressortant le mouchoir de ma poche pour essuyer mes mains je remarque que Manie bondit de son siège et part à la suite de Killian et Otto en irradiant de stress... Je grince des dents et je souffle bruyamment. D'un signe de tête je questionne silencieusement Travis sur la situation. Il se contente de hausser les épaules en secouant la tête par la négative. Il porte néanmoins sa main à son arme. Une mauvaise musique de cabaret hante le lieux et le pianiste à six pattes joue à une vitesse ivre. Les doubles portes battantes s'ouvrent à nouveau. Killian se dirige à grand pas vers Zyx et lui glisse un mot à l'oreille. Immédiatement alarmée, la jeune femme se lève et sort du tripot à son tour, son cache-poussière flottant derrière elle. Je fais signe à Kill depuis l'autre bout de la salle pour qu'elle nous rejoigne Travis et moi. Je reste sérieux, concentré. Les habitués du lieux sont tendus par ces allées et venues. Ça pourrait devenir incendiaire. Manie entre seule. Je me méfie parce que c’est le genre de situation qui peut faire exploser ce style de peigne-culs consanguins sur un mal-entendu. « Kill, qu'est-ce qu'il se passe ? » Lui dis-je à voix basse histoire de me tenir au courant de la situation. Je suis très sérieux. Elle joue avec ses doigts de métal, nerveuse. Je vois en elle une réaction primale, son instinct est aux aguets, elle est en tension. « Je sais pas Josh. Fait-elle en grimaçant sur un ton laconique. Otto est bizarre, il est comme au matin de ses mauvais jours... » Elle laisse cette phrase en suspend et j'ai peur hélas d'en saisir l’ampleur. Tout du moins je crois en avoir une vague idée. Ma mâchoire se contracte et je jette un œil à Travis. Je lui communique par un léger signe de tête de veiller sur Killian que j’abandonne avec une caresse et me dirige vers Manie à grandes enjambées en fendant la salle. La pauvre a l'air toute retournée. Je la prends par les épaules et l'écarte légèrement de l'entrée, me servant de mon corps comme bouclier. J'ai déjà vu des coins propices aux fusillades comme celui-ci, et on a vite fait de prendre une balle perdue si ça chie dehors. Je plonge dans ses yeux aveugles, mes deux mains fermes et rassurantes autour d'elle et je lui parle avec calme et maîtrise : « Manie Chérie, mon p'tit Coeur, dis-moi ce qu'il y a ! ». Elle est blême d'angoisse et frémit légèrement. Sa respiration est rapide et l'expression de son visage est trop confus pour qu'il s'agisse d'un incident mineur. Je fixe la peau blanche et délicieuse de sa gorge affolée. Je vois ses artères se tendre sous ce fin film translucide. Elle me répond d’une voix glauque en portant les mains à ses tempes. « Je.... C'est mélangé. Otto... » Manie cherche à extraire les mots du flot de pensées chaotiques qui l'agressent. Je suis à l'écoute, en silence, je la tiens près de moi. « Dans sa tête... Il y avait un mot : Ty-ra-ni-des... » Elle sépare ces syllabes comme si elle n'était pas certaine de ce qu'elle avait perçu dans l'esprit de Von Kurt. Je sens mon échine se tendre et j’entends que les pas lourds qui avançaient dans mon dos se sont arrêtés nets. Je lève les yeux. C'est Killian et il n'y a pas de doute, elle était juste assez près de nous pour entendre... Elle se fige sur place. Elle devient soudain livide. Ses yeux s’écarquillent, sa respiration est anarchique et ses mains tremblent. Elle lâche d'une voix minuscule et blanche « Excusez-moi... » et sort en titubant un main devant la bouche. Je prends le bras de ma petite muse et ne la lâche pas. Ça craint si Otto a raison. Mes paumes sont moites. Je crève de chaud. Je me maîtrise. Je dois rester absolument serein tant que je suis près de ma jeune psyker. J'attire Manie contre moi et la serre dans mes bras prétextant d'une danse pour tenter de la rassurer. Je lui dis que je suis là et que tout ira bien. Sa peau sent bon. Je dépose un baiser sur son front. Ma jolie blonde a goût de sel. Ses cheveux ont déjà pris l'odeur du soleil. J'agrippe toujours sa main droite dans la mienne, mon autre main autour de sa taille. Du bout des doigts je peux sentir sa colonne artificielle et sa peau d'albâtre à travers le fin tissu de sa chemise. Mon poul s’accélère imperceptiblement. Je respire calmement et la cale contre moi. Je la berce, je suis pondéré, solide, apparemment inébranlable... J'ajoute que je vais gérer ça et qu’elle n'a rien à craindre avec moi. Je mens : je dis qu'Otto dramatise mais que ce ne doit pas être aussi grave, qu'il fatigué et qu'il sur-réagit. En réalité je n'ai aucune idée de ce qu'il se passe puisque je n'ai aucune information, et je crains qu'il n'ait raison de s'alarmer. Je jette un regard vers la porte de bois battante mais je n'entends que vaguement l'échange entre Killian et Zyx. Le soulèvement de la poitrine de Manie contre mon torse s'accentuent. Elle est effrayée, oppressée, assaillie par des visions que j'ignore. Je lui caresse posément et tendrement la tête, à la basse de la nuque juste derrière l'oreille pour ne pas déranger son chignon... Elle craque sous la pression et se précipite au secours d'Otto qui est hystérique dehors. Je lance un regard noir au mur qui me sépare de l’extérieur du bar. Si nos anciens combattants sont incapables de maîtriser leur traumatisme nous risquons de nous retrouver dans une sacré mouise. Je peux comprendre à quel point ça peut-être difficile, mais si Manie dit vrai, il va être capital que nous gardions tous la tête froide, et ce malgré la tension papable et cette chaleur à crever ! Ce climat de merde me fous les nerfs ! Il est temps de rentrer à l’hôtel... Une bonne nuit fera du bien à tout le monde et ce foutu Otto a besoin de refroidir un peu. Ce n’est pas à Manie de prendre soin de lui ; c’est à lui, Travis et moi de nous assurer qu'elles ne soient pas inquiétées ! C'est notre devoir, notre rôle et il va de notre honneur de garder le contrôle et de rester rationnels ! Je ne laisserai pas arriver malheur ni à Killian, ni à Zyx, ni à Manie et je vais avoir besoin de mes deux loustics si c’est aussi dramatique que le chante Von Kurt sur tous les tons... La température m’étouffe et je me sens irrité. Dans un lieux plus calme et plus propice nous aurons tous loisir de réfléchir sur la situation.

 

L’hôtel est climatisé ! Killian ma Princesse tu as pensé à moi qui vais finir par me répandre sur ce foutu plancher, rendu à l'état liquide ! Je regarde Zyx qui a l'air tout à fait dans son élément sur cette planète aride. Je jure que je ne me moquerai plus de sa chair de poule sur sa peau de miel. Je ne pensais pas le dire un jour, mais finalement Jotunheim me manque un peu pour le coup ! J'accompagne Manie, mon bras autour de sa taille fine. Le hall de l’hôtel est propre et clair, il y fait bon. Les plafonds ne sont pas très hauts et les murs sont assortis à cette pierre rouge que l'on voit un peu partout mais en plus clair. Une vague de chaleur moite et de poussière écarlate entre avec nous. Je donnerais un monde pour une douche bien fraîche ! Le stress d'Otto est palpable et Travis n'hésite pas à jeter de l'huile sur le feu ce qui n'est pas très malin. Je l'ai déjà repris plusieurs fois. Killian, elle, est tendue mais elle se domine parfaitement. Je la regarde, forte et stable, elle tient bon. Je n'aurais pas cru il y a une heure qu'elle s'en sortirais aussi bien face à ses vieux démons. Je suis admiratif. Je lui souris, fier, même en Dame de Pique elle est magnifique. Je sens la respiration plus apaisée de Manie sous ma main posée près de son ventre alors que Killian récupère les clés des chambres à la réservation. Une tête énorme d'un quelconque animal à cornes local trône au dessus de l'escalier. C'est à ça que ressemble un Auroch sauvage ? Je regarde les lampes aux abat-jours de tissu blanc et lève la tête pour voir les lustres. De longues pales en bois tournent inexorablement dans un son feutrés et nous ventilent, dehors le temps doit se rafraîchir avec la nuit qui tombe. Je respire enfin ! J'embrasse Manie sur la pommette en lui demandant si elle se sent mieux. Elle affiche un sourire forcé et fiévreux. Elle me dit que oui pour me faire plaisir mais je sens toujours qu'Otto est fébrile, même s'il s'est calmé. Il y a un lien fort entre eux deux, ça se sent de manière assez évidente. Le pauvre trouve probablement avec elle une fibre paternelle dont lui même n'a jamais pu profiter. Attention, vieux, les transferts sont dangereux. J’emboîte le pas de Travis et de Von Kurt dans l'escalier, ma protégée accrochée à moi. L’hôtel est très calme et le lieu est sécurisant. Mes femmes ont très bien choisi. Les murs sont peints de blanc crème et les luminaires font démodés. Le tapis foncé qui se déroule sur les marches essaie désespérément de se donner un air luxueux mais l'effet est un peu raté. Au mur il y a un tas de photos encadrées, sûrement des types célèbres du coin. Je reconnais sur l'une d'elle, l'avocat et le maire justement. Une fois arrivés en haut je m’apprête à laisser filer Manie qui veut visiblement parler avec Otto. Je suis fière de mon p'tit Cœur. Je lui dit que j'ai confiance en elle, que je sais qu'elle va gérer la situation comme une cheffe, j'ajoute qu'elle ne doit pas s'en faire. Je lui donne un grand sourire confiant et la serre dans mes bras avant de la remettre aux soins d'Otto... Je pince les lèvres. Je suis en colère après lui et son manque de self-control. Je comprends que c'est terriblement difficile après ce qu'il a du vivre autrefois, mais Manie doit pouvoir compter sur lui. J'ai besoin de pouvoir compter sur lui... Surtout si ce qu'il dit est vrai. Killian me sort de mes conjectures quand je sens sa main sur mon bras. Je lui souris alors que je suis Zyx qui prend possession de sa chambre un peu plus loin des yeux. Je la rejoindrai plus tard dans la soirée. Elle me manque. Depuis qu'elle a changé de suite à bord ce n’est pas pareil, ne me suis laissé envahir par une grand gène et une lassitude mordante. Ça me déprime de devoir attendre qu'elle quitte les appartements de Kill pour arriver à l'intercepter. Je passe ma main sur la joue de Killian en sondant son regard. Elle est chamboulée. Je soupire. Je connais ses cauchemars, j'ai vécu suffisamment de nuits où elle traverse hagarde les ténèbres des coursives pour se réfugier dans mes bras ces trois dernières années. « Ca va toi? » Je retiens ma langue trop pressée de l'appeler Princesse. Elle baisse la tête comme si elle souffrait d'un mal ancien et profond. Elle serre les dents et cherche à me briffer. Ce n'était pas ma question, elle le sait : « Je crois qu'Otto a raison. Tu devrais parler à Zyx de son affaire de meurtres en série. ». Je passe la main dans mes cheveux et retiens une mèche rebelle, concentré sur ce qu'elle m'explique. La lumière du couloir est pâle et un peu trouble. Dehors, par la fenêtre, on voit le ciel s'obscurcir. Je soupire par anticipation. Cette histoire est un beau bordel. Alors que Killian poursuit, je me demande pourquoi aucune de mes entreprises ne se déroulent jamais comme prévu. Les asiat' à Noubangkok avaient un mot pour dire ça : « Karma ». Une sorte de concept, de philosophie de vie, qui dit grosso-modo qu'on a ce qu'on mérite et que c’est pour ça qu'il faut toujours faire les choses bien. J'imagine que ma chance elle aussi vient de là et qu'il faut bien la payer quelque part. On perd d'une main pour gagner de l'autre, logique.
« -
Il y avait aussi des meurtres, au début.
Fait Killian, un poids colossal sur la poitrine. Ils tuent des notables, des gens importants. Ils vivent un temps cachés dans la population. Peut-être changent-ils de forme, je sais pas. Avant une invasion, ils coupent toutes les communications. Je l'interromps.
-
Toutes les communications tu dis ? Mon sang ne fait qu'un tour et je tremble pour Manie. Malgré son refus de prendre ce poste à bord du Betty, elle n'en est pas moins astropathe... Je sais que Kill s’est fait également la réflexion. Nous échangeons un regard lourd de signification alors que je pose ma main sur son épaule.

- Oui, murmure t-elle presque. Toutes... J'inspire comprenant désormais l'abominable utilité de ce champ d'isolation Warp qui nous a pété à la gueule à notre arrivée. Si Otto a raison, avec les éléments que vient de me fournir Killian, tout s'explique. Ils sont déjà là Josh ! »
Quelque part au fond de mes tripes j'ai su immédiatement qu'il avait raison bien que j'ai du le calmer en public. Le regard effrayé de Kill me glace le sang. Je projette mes bras vers elle et l'enroule dans leur sécurité. Un chose est très claire pour moi, dès que le Lucky Betty est en état de fonctionner, on dégage de ce cailloux de merde ! On ira se faire cuir un œuf ailleurs. Sur un monde paradis par exemple ! Et Zyx vient avec moi même si je dois ramener son jolie petit cul de planétaire à bord à coups de pompes. Je m'impose un bref exercice de respiration pour conserver un semblant de sérénité alors que je pense à Ariane qui est seule. Je devrais aller la chercher... Je me rassure en me répétant encore une fois qu'elle et Crystale sont avec Samuel Flint et qu'elles ne risquent rien tant que ce vieux pirate est dans le coin. Je sens Kill trembler dans mes bras. Son souffle est anarchique. Moi, je réfléchie à une solution. La lumière basse et un peu jaune de l’hôtel donne un air désuet aux tapisseries fleuries qui ornent par endroit le couloir et le hall. J'entends au dessus de ma tête le bercement régulier des ventilateurs qui fendant l'air épais. Je respire la chevelure de Killian. Moins d'une journée dans ce trou du cul de l'espace et nous sentons déjà la poussière et le sable. Je lui murmure au creux de l'oreille :
« Je m'en occupe, d'accord ? Je vois ça avec Zyx tout à l'heure. » Je sens son menton dans mon coup me répondre un peu agité par l'affirmative. Je me recule un peu pour la regarder dans les yeux alors qu'elle s'agrippe à mes épaules.
«-
 Hey ! Kill... Princesse. Je suis là, tu vois ? Ses lèvres tremblotent puis se pincent, elle ouvre la bouche comme si ça lui permettait de mieux respirer et me prie du regard. Elle lâche comme si l'effroi la débordait :
-
Je... Je peux dormir avec toi ? S'il-te-plaît...
- Bien sûr. » Ma réponse est spontanée, automatique et sans aucune forme d'hésitation ni de réflexion. Je glisse la clé dans la serrure de la suite qui m'a été attribuée. Inutile pour elle de me supplier. Je pousse la porte et laisse entrer Killian que je n'ai pas lâchée. Je referme derrière moi. La chambre est grande et décorée avec un goût particulier mais pas désagréable. Le sol et les murs sont clairs. Un grand lit aux draps pourpres s'étire à notre gauche. Le couvre-lit et d'un jaune moutarde couvert de motifs géométriques aérés et assortis à la tapisserie qui enrobe la tête de lit. Un peu plus loin face à moi un salon minimaliste a été organisé autour d'un mini-bar. Un tapis rond couverts de formes pittoresques typiques de ce monde supporte un canapé orangé et deux fauteuils aux couleurs chaleureuses et rassurantes. Disposé ainsi près de la fenêtre on peut admirer depuis la baie vitrée de la chambre un coucher de soleil brûlant sur la ville. Il incendie l'horizon. Au loin, dans un ciel qui passe du jaune, au rouge puis au noir, on distingue des mesas découpées à la machette dans un paysage trop sec et acéré. Les silhouettes de cactus tendent les bras vers le ciel comme autant d'hommes suppliant la clémence de ce climat hostile. Killian dépose nos bagages près de l'entrée et s'assure une seconde fois que la porte est bien close. Elle verrouille de deux tours de clé alors que je me dirige vers la pièce attenante qui semble être une salle de bain. Enfin une douche ! Je perçois un hoquet alors qu'elle ploie et appuie son front sur la porte pâle. Je reviens vers elle, appelé par sa détresse. Je pose mes mains sur ses épaules et la retourne, dos à la porte, face à moi. Je la prends contre moi et dépose un baiser tendre sur son front pour qu'elle se détende. Sa peau a un goût de fer. Elle soupire. Je dégage ses yeux des longs cheveux maintenant de nouveau bruns. Je souris heureux. Kill est belle avec sa couleur naturelle. Je réduis la distance entre nous en embrassant sa bouche du bout des lèvres. Nos haleines s’enchevêtrent instantanément retrouvant l'alchimie en un souffle. Elles sont un peu sèches à cause de la chaleur. Sa salive a un goût de sucre. Mon front contre le sien, je ferme les yeux sentant déjà monter la vague incendiaire que son corps m'impose à chaque fois. Je prise l'odeur de ses cheveux jusque dans son cou pâle. Elle m'attire de nouveau contre sa bouche et capture ma langue profondément. Le désir s'érige en moi dans une pression soudaine. Portée par une inspiration commune elle se presse contre moi. La brûlure de ses doigts qui s'infiltrent à l'intérieur de mes vêtements allume le feu. Elle défait un à un les boutons restant de ma chemise.